mercredi 15 avril 2009

ÉchoGraphie

DE MYRIAM LAMBERT
Lieu de mémoire étudié : L’utérus

Oeuvre réalisée dans le cadre d'une résidence à Avatar, Québec

Oeuvre "ÉchoGraphie" de Myriam Lambert from Myriam Lambert on Vimeo.


Dans la pièce où l’obscurité est presque complète, un haut-parleur suspendu émet un enchevêtrement complexe de sonorités organiques; battements de cœur d’adultes et d’enfants, respirations et borborygmes. Une vis collée au haut-parleur absorbe les vibrations sonores, puis celles-ci sont transmises à une cartouche d’eau suspendue à quelques centimètres du dispositif audio. Comme on entend les sons, les ondes donnent un mouvement circulaire à la vis, provoquant ainsi une myriade de sillons dans l’eau. Ces oscillations liquides prennent alors des dimensions architecturales et envahissent le lieu de diffusion par leurs réflexions lumineuses. Rapidement, le regardeur comprend que les fréquences sonores sont à l’origine des ondoiements lumineux présents sur les murs, le plafond et au sol. ÉchoGraphie laisse ainsi une impression de « déjà ressenti », comme lorsque nous étions dans le ventre de notre mère.



Une analogie entre cette œuvre et le média de la photographie est flagrante : les ondes sonores deviennent le négatif, la cartouche d’eau devient l’agrandisseur, et les murs, quant à eux, servent de papier. L’empreinte photographique se transforme alors en mémoire d’un lieu. Les réfractions multiples de cette œuvre sont le miroir des sons et des images dont est constitué l’environnement primordial du fœtus. Bien qu’élaborée à l’aide de nouvelles technologies, cette installation épurée transcende la technique et interpelle directement des sensations déjà vécues par tous, transmuant notre rapport au monde en une expérience poétique.


ÉchoGraphie rappelle au regardeur/auditeur ses toutes premières expériences visuelles et sonores dans le ventre maternel. Doit-on absolument se souvenir d’un moment pour que ce dernier ait marqué notre mémoire corporelle? Cette installation immersive a été élaborée sur la notion de mémoire sensorielle, mettant l’accent sur le fait que le corps est l’entrée principale de toutes les variantes de la mémoire : auditive, visuelle, collective, du lieu, etc.
Selon Pernoud (2007 : 12), il semble que « c’est entre cinq mois et demi et six mois qu’on peut situer le début des réactions à une stimulation auditive [d’un fœtus] ». Ses pulsations cardiaques et celles de sa mère, ainsi que les sons des glissements, des respirations et les borborygmes font partie intégrante de son environnement sonore. Cette atmosphère sensible plonge l’auditeur dans un calme saisissant.


Bien qu’il s’agisse de l’un des moments d’initiation les plus fondamentaux de notre vie, il est éliminé de notre « tiroir » à souvenirs. La mémoire sensorielle devient la seule référence que nous ayons de cet instant précis. Par ailleurs, ÉchoGraphie est aussi le reflet d’une mémoire collective : l’œuvre nous met face à des racines communes qui sont à la base de l’identité.

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PERNOUD, Laurence, (2007), J’attends un enfant, Paris, Éditions Horay, 476 p.

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Cette œuvre a été réalisée dans le cadre d’une résidence de production à AVATAR, association de création et de diffusion en arts sonores et électroniques. Je remercie Mériol Lehmann, Jocelyn Robert, Amandine Gauthier et Marie-Christine Desbiens d’AVATAR, ainsi que maman Geneviève, papa Michel, bébé Alexandre, maman Manon, papa Étienne et bébé Josef pour l’enregistrement sonore du cœur de l’enfant.









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